Et si on avait oublié ce que c’est la vie ?
Je n’ai jamais pu manger de pieuvre, de poulpe, parce que je sais que ces animaux sont très proches de nous, je le sais, mais je n’imaginais pas à quel point.
Il y a quelques jours j’ai vu un documentaire, « La sagesse de la pieuvre », des images d’une beauté inouïe et surtout une incroyable histoire d’amitié.
Un homme (je l’adore), après un burn out, décide de changer de vie, de se poser des questions comme : « qu’est-ce que c’est que vivre ? », « quel sens je veux donner à ce court passage que je fais sur terre », «qui je veux être ? » ; parce qu’évidemment sa « précédente » vie n’a plus de sens, le « fuel » qui le faisait se lever le matin, trouver l’énergie d’accomplir les gestes que la vie professionnelle demande, n’était plus suffisant (je pense que le burn out, n’est pas, comme on le dit souvent, une fatigue immense parce qu’on travaille trop, mais parce qu’on ne trouve plus de sens à ce qu’on fait, mais c’est un autre article, je l’écrirai ultérieurement).
L’homme décide alors de retrouver ses racines, l’Afrique du sud, sa vie de petit garçon : la nature, l’océan. Il ne sait pas ce qu’il va faire, il se contente de nager tous les matins, un masque, un tuba, pas de combinaison, dans les eaux froides et tourmentées de l’atlantique (8°c, ça stimule le métabolisme, et ça révèle, déjà, une sacrée force de caractère). Il est émerveillé par la beauté de ce milieu sous-marin, intacte, son incroyable richesse. Chaque jour, voir la beauté du monde, très vite ça devient pour lui une raison suffisante pour vivre, pour retrouver le « sens ».
Un jour, il se sent observé, il voit alors une petite pieuvre qui le regarde, curieuse elle observe, de loin, prudemment, cette chose étrange : un homme.
Une incroyable relation s’établit alors entre l’animal et l’humain, peu à peu ils s’apprivoisent et deviennent « amis ».
J’ai pleuré, de tristesse et d’émerveillement, ce petit animal marin m’a donné une incroyable leçon de vie, de sagesse, de sens, à propos de notre passage terrestre (si court pour elle).
Le courage d’abord, l’incroyable courage dont elle faite preuve, face à d’immenses et terrifiants prédateurs (les requins), et puis sa combativité, chaque jour les menaces renouvelées, mais la petite pieuvre ne se défile pas, ne se met pas dans un coin à pleurer, à penser qu’elle n’a pas de chance, que la vie est dure pour elle, vaille que vaille, elle fait face, trouve des stratégies, fait montre d’une incroyable intelligence, d’une prodigieuse capacité d’adaptation et même de créativité; la vie est pour elle un combat chaque jour renouvelé. Peut-être avons-nous oublié que cette vie sauvage, est aussi, une part de notre essence, de notre condition, qu’elle fait partie du sens de la vie, de sa stratégie même. La pieuvre ne peut pas faire autrement que vivre l’instant présent, elle vit ce qui est : quand il faut se battre, elles se bât, quand vient le moment de se reposer, elle retourne dans sa grotte, là où le monde lui fout la paix. La pieuvre ne se ferme pas systématiquement devant ce qui est différent d’elle, l’inconnu, elle fait montre d’une grande curiosité, même si « l’autre » est un truc étrange, immense, qui ne ressemble à rien de ce qu’elle connaît. Ainsi prend-elle le temps d’observer l’alien qui vient de faire effraction dans son monde, elle s’avance prudemment (elle n’est pas folle, elle sait bien qu’on ne donne pas son cœur comme ça, que connaître une personne prend du temps et que seul ce temps nous donne des réponses, la confiance est une longue construction, une relation aussi, elle sait ça, d’instinct, puisqu’à chaque nouvelle rencontre c’est sa vie qui est en jeu), peu à peu, elle avance un tentacule, touche la peau, goutte la peau de cette créature inconnue (l’homme retient son souffle et son cœur de battre trop fort, terrorisé à l’idée de faire un geste qui pourrait mettre en péril cette possibilité de créer un lien avec un animal sauvage),peu à peu, la pieuvre comprend qu’elle n’a rien à craindre, alors les câlins commencent, elle se love contre le torse de l’homme, se laisse caresser. Elle fait aussi le pitre, se moque peut-être de lui ? Est-il possible qu’elle ait de l’humour ? Elle marche en effet au fond de l’eau, sur le sable, sur deux tentacules, comme si elle avait des jambes, pour imiter l’homme ?
L’homme revient chaque jour, jusqu’à l’attaque, un requin arrache un membre à la pieuvre, le plongeur assiste, impuissant à la douleur de l’animal, désormais reclus dans sa tanière.
Cela dure plusieurs jours, la souffrance silencieuse, solitaire, celle des bêtes, l’homme est triste, impuissant, va-t-elle survivre ?
L’espoir enfin, la Vie, surpuissante, le tentacule arraché commence à repousser, se régénérer, l’animal sort de son trou, fragile encore, certainement terrifié, il s’arrache à sa faiblesse, puisqu’il faut bien s’exposer à nouveau pour se nourrir, pour chasser, pour que la vie reprenne. Et la vie reprend, parce que c’est son sens, même si elle a peur de souffrir encore, d’être attaquée, ce n’est pas une raison pour ne plus s’exposer, pour se protéger, parce qu’ici, se protéger ce serait rester dans sa caverne, mourir donc.
La courageuse pieuvre, accepte « ce qui est », elle ne cherche pas à embellir le truc, à positiver, à faire comme si le monde n’était pas dangereux, violent, elle sait que ça fait partie de sa condition, elle accepte, elle en tire le meilleur parti, joue quand elle peut jouer, prend autant de câlins que possible, elle ne s’agite pas pour rien, ne cherche pas à impressionner, elle veut juste vivre, le plus longtemps possible, le mieux possible.
Merci petite pieuvre pour cette leçon de courage, de combativité, de créativité, d’amour, de vie.
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