Mon premier réflexe : je la fuis, j’y résiste, je peste, je m’insurge : « c’est injuste, pourquoi vient-elle (encore) me gâcher un moment de grâce ?», p….n* de migraine, la douleur qui enserre, si violente qu’elle me jette à terre.
Avant je prenais des médicaments, immédiatement, la dégager, surtout ne rien sentir, la faire disparaître au plus vite.
J’ai bien changé.
C’est dimanche, hier, je suis dans les bois, clouée au sol, je m’isole, je prends ma tête entre les mains, je respire, j’allonge l’inspiration et l’expiration, je fais le grand saut : je plonge dans ma douleur.
Au début c’est atroce, pire que ça, la douleur enfle, j’ai la sensation que mon crâne va exploser.
Je reste là cependant, je vais plus loin encore, en moi, là où je ne suis jamais allée, j’ai peur, j’ai mal, mais je sais que je peux la vivre, je me fais confiance.
Je suis avec moi.
Je la vis.
Je suis avec elle.
Elle, la douleur, se sent alors entendue, vue, écoutée, comprise.
Elle n’a plus besoin d’accaparer mon attention, elle l’a.
Je continue mon « rituel », j’ai construit des façons de faire, des outils spécifiques, des années à apprivoiser ces violentes migraines que je traîne depuis l’âge de quinze ans (je me souviens de la première, violente, j’avais eu si peur).
Je suis assise au sol, sur cette terre humide, glacée, j’ai demandé qu’on me laisse seule, je prends le temps de « processer » ma douleur.
Tout le temps qu’il faut.
Ça enfle, ça pulse, ça m’écrase, je respire fort, long, puissamment. Je ne la quitte pas d’une miette, je ne détourne pas mon attention d’elle, jusqu’à me fondre : je suis elle, elle est moi.
Il n’y a plus de lutte entre nous, je ne cherche plus à m’en débarrasser, nous sommes ensemble.
Quand j’arrive là, la « magie » opère : elle lâche son emprise, elle desserre l’étau, elle va me laisser continuer la randonnée.
Chaque fois que je vis ça, cette « magie » là, je n’en reviens pas du degré de connexion entre mon corps et moi.
Je n’en reviens pas de son intelligence, de sa vie autonome, de sa sensibilité : il veut que je prenne en compte ses messages, il veut que je l’écoute, vraiment.
La douleur n’est qu’un message, un signal que quelque-chose ne va pas, une mise en garde : « Hey prête attention là, j’ai un truc à te dire ».
Et pourtant, souvent, nous ignorons ces messages, nous voulons nous en débarrasser au plus vite, nous ne ressentons plus, nous fuyons systématiquement la douleur.
Il en est de même pour nos douleurs psychologiques, nous fuyons la tristesse, l’ennui, la solitude, la frustration, le rejet, la colère, la rage, l’abandon, la peur, la culpabilité, la honte…
Et pourtant, là aussi, c’est exactement comme avec la douleur physique, ces émotions ne sont que des messagères, elles viennent nous délivrer une information capitale, sur nous, nos besoins, notre vie.
Les rejeter c’est nous rejeter, rejeter notre vie, notre vérité profonde, ne pas changer ce qui a besoin d’être changé, soigné ce qui a besoin d’être soigné.
Ressentir c’est votre super pouvoir.
Et pourtant "on" nous a exactement appris l’inverse : à fuir l’inconfort, les émotions douloureuses ( je crois que si je suis « mal » je dois vite me « changer les idées » en passant à l’action au lieu de juste ressentir mon émotion, ainsi j’appelle une copine, je mange une tablette de chocolat, je bois du vin, je prends un Lexomil, je surfe sur internet, je fais du yoga, je m’abrutis de télé, je travaille comme un dingue, je consomme, je voyage, etc…).
Si je rejette systématiquement les émotions dites négatives, si je les fuis, alors je limite ma vie, drastiquement.
Car vivre, oser vivre la vie que l’on veut profondément, une grande vie, c’est-à-dire une vie dans laquelle on est pleinement soi, où on exprime son plein potentiel, c’est oser vivre la peur: la peur d’échouer, la peur d’être seul, la peur de changer, la peur d’être jugé, la peur de déplaire, la peur de ne pas y arriver, la peur d'être rejeté, la peur de devoir recommencer, la peur de tout remettre en question, même ses certitudes.
Apprendre à vivre la peur, la ressentir, être terrorisé même.
J’ai appris à être super forte en « peur », je suis une immense trouillarde, ça n’a pas changé, ce qui s’est transformé c’est que je n’ai plus peur d’avoir peur, je vis ma peur, j’y plonge, j’y nage, je vis avec, elle passe des soirées entières avec moi, comme un petit animal de compagnie, elle me suit partout, je ne fais pas genre « même pas peur », non j’ai peur, je vis ma peur, mais elle ne m’empêche plus de faire ce que j’ai à faire, de vivre ma meilleure vie, d’oser, de vivre fort, d’être moi, de courir après mes rêves.
Je ressens donc je suis.
Ça ce n’est pas inné, ça s’apprend: ne pas fuir, ressentir.
Il existe des outils, des exercices, de la conscience à apporter sur nos vies : où est-ce que je fuis ? dans quels domaines de ma vie ? En quoi ça me limite ? A quoi pourrait ressembler ma vie si je ne me limitais plus moi-même ? Comment je pourrais être encore plus moi-même si je n'avais plus peur d'être jugé/rejeté/non validé?
Je vous souhaite une semaine pleine de ressenti,
Julie
c'est magnifiquement écrit et ressenti 😊c'est ce que j'essaie d'être amie avec la douleur parfois qui ne veut pas m'en-tendre😪