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Julie de Besombes

Reprendre son pouvoir

Je n’ai plus ni goût, ni odorat depuis presque deux mois, Covid situation, rien d’original; au départ j’étais désespérée, ne plus avoir envie de manger, de boire un verre de vin, qu’allait-il me rester pour survivre à ces temps de repli ? La nourriture a toujours tenue une immense place dans ma vie, elle est un de mes plus grands plaisirs, pas question, jamais, de me priver, de me restreindre, c’est même un de mes grands kiff de l’hiver, le soir, se retrouver devant un feu, partager un verre, déguster un bon plat. Du jour au lendemain ce plaisir s’est envolé.

Je ne sens plus rien, boire, manger n’ont donc plus aucun intérêt pour moi.

Au début, j’ai subi, mais je me raccrochais à l’espoir, ça allait revenir vite, je me laissais rassurer par les autres : «t’inquiète pas, machin a eu le même truc, c’est revenu en 15 jours », après trois semaines j’ai commencé à m’inquiéter : et si ça ne revenait plus ? Ma vie serait-elle beaucoup plus triste ?

Je sentais un manque, comme un membre fantôme qui se manifeste alors qu’on l’a coupé, des pulsions de manger, de boire ; comme les chiens conditionnés de Pavlov, j’en bavais à l’avance.

Que se passait-il ?

Mon cerveau archaïque, ce tyran du plaisir, se manifestait, il n’avait plus sa dose, sa dopamine journalière.

J’étais en manque, de plaisir, un plaisir simple immédiat, animal, facile d’accès, aucun effort à faire (c’est son truc de reptile, aucun effort, aucun changement, il associe ça à la survie).

J’ai donc découvert que, d’une certaine façon, j’étais droguée, droguée au plaisir que m’apportait la nourriture.

J’ai pris du temps pour penser à ça, j’aurais pu être désolée pour moi-même, m’apitoyer sur mon sort (je suis douée en la matière): « ma pauvre, ce n’est vraiment pas drôle, tu n’as pas de chance, mais ne t’inquiète pas, ça reviendra vite, tu vas retrouver ce plaisir de manger et il n’en sera que décuplé parce que tu en auras été privée » ; j’aurais pu me dire ça, mais j’ai pris un virage à 360° : « Et si ça ne revenait pas? Si ce plaisir si puissant, si simple que je trouvais en mangeant, disparaissait pour de bon ?

J’ai (d’abord) paniqué.

En réalité, c’était mon cerveau archaïque qui paniquait, le drogué, comment allait-il vivre sans sa dose de dopamine? Mais comme je le connais bien maintenant cet animal, je l’ai laissé faire, j’ai laissé la pulsion être là, et je suis passée au niveau supérieur : au cortex préfrontal qui lui est beaucoup, beaucoup plus évolué que son ancêtre.

Alors on a eu une conversation lui et moi, une conversation des plus intéressantes de ma vie, il m’a dit : « et si tu ne retrouvais pas le goût et malgré tout tu pouvais avoir une vie géniale, encore mieux que celle d’avant ? Et si ce plaisir immédiat, facile, de la nourriture masquait des choses qui n’allaient plus dans ta vie et te permettait ainsi de « supporter » des trucs dont, profondément, tu ne voulais plus ? Et si c’était la meilleure chose qui t’arrivait ? Et si c’était un grand coup de pieds aux fesses, pour bouger ces dernières justement et passer au niveau supérieur de ton existence, pour évoluer vraiment? Et ce plaisir, cette dopamine si tu pouvais aller la chercher ailleurs ? »

(Je le savais pourtant, puisque je travaille avec des clients qui vivent précisément ce genre de situation : toutes les addictions, petites ou grandes, servent toujours à masquer quelque-chose : quelle émotion désagréable j’évite de ressentir quand je fume, bois, prend un Lexomil, mange une tablette de chocolat tous les soirs ?).

Toujours cette fameuse métaphore de la paille dans l’œil du voisin…


Je me suis donc occupée de ma poutre et de ma dopamine.


J’ai fait un truc dingue (pour moi qui habituellement déteste ça), j’ai commandé des chaussures de running.

Il me fallait un shoot, un challenge, un acte symbolique qui m’oblige à me transcender.

Je l’ai fait, chaque jour, qu’il pleuve ou qu’il vente, j’ai dû (encore) faire face à l’archaïque qui négociait, se mettait en colère, faisait montre d’une grande capacité de persuasion pour que je reste au chaud chez moi : « t’as trop de travail », « il fait froid », « tu ne vas pas aller courir seule », « tu te fais du mal, pourquoi tu t’infliges ça ? ». Je n’ai pas lutté, je l’ai écouté sortir ses excuses (de pleutre) pour rester dans ses habitudes, sa zone de confort, mais je n’ai pas cédé à ses injonctions, car celui qui prend les décisions, à la fin c’est toujours le néocortex, la partie humaine en moi (pas le clebs conditionné).


Aujourd’hui, je n’ai toujours pas de goût, mais j’ai trouvé autre-chose : mon pouvoir, j’ai réveillé une sensation que je ne pensais pas avoir en moi : me sentir puissante.

J’ai dépassé l’inconfort, j’ai retrouvé une énergie de vie à travers cette reconquête de mon plaisir. Chaque jour, j’attends avec impatience ce moment où je vais sentir mon corps bouger, vivre, se dépasser, transpirer, ce moment où je dépasse l’inconfort, ce moment où ça vibre si fort.


Je suis émerveillée comme ce travail sur moi change ma vie jour après jour, je suis fascinée par les capacités infinies de notre cerveau, mais que nous utilisons si souvent contre nous ( que de dégâts quand nous l’utilisons ainsi). Nous sommes tous, dotés de l’ordinateur le plus performant, le nec plus ultra de l’évolution, c’est une machine à trouver des solutions, à avancer, à créer, à se transcender. Et pourtant combien d’entre nous passent un temps fou à se plaindre, des circonstances trop difficiles, à attendre des solutions venant des autres… Souvent je pense à nos ancêtres, hommes des cavernes, s’ils avaient agi ainsi, s’ils s’étaient dit : « Nos conditions de vie sont trop difficiles, y a trop d’animaux dangereux dehors, on doit prendre des risques insensés, au péril de nos vies, tout ça pour un pauvre morceau de mammouth cru, on se me met en grève on ne sortira plus de notre caverne jusqu’à nouvel ordre ! » s’ils avaient pensé comme ça, nous ne serions pas là, l’espèce humaine ce serait éteinte. Mais il n’en pas été ainsi, parce qu’au fond d’eux, dans leur crâne d’Homo Sapiens, il y avait cette incroyable machine : un cerveau humain, cet outil surpuissant, créé pour avancer, évoluer, trouver des solutions, s’adapter face à l’adversité, penser l’avenir. Parfois pour le pire, mais il nous est toujours possible de choisir le meilleur.

Je ne sais pas quand je retrouverai le goût, je n’ai aucun pouvoir là-dessus, mais en acceptant cette circonstance en ne luttant pas contre cette réalité (que je ne peux pas changer), en étant curieuse, en m’ouvrant à la possibilité que ce n’était pas une « malédiction » mais une formidable opportunité de changer des choses dans ma vie, j’ai réveillé une sacrée puissance en moi, je suis sortie de ma caverne, j’ai (re) pris mon pouvoir.

Et vous avez-vous de petites ou grandes addictions qui vous servent à masquer de l’inconfort, des émotions désagréables, un travail que vous n’aimez plus, un stress quotidien, un foyer dans lequel vous n’êtes plus si heureux ?

Etes-vous prêts à observer votre vie avec honnêteté, courage et curiosité, pour changer ce qui doit l’être et (re)prendre les clés de votre royaume ?


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